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Modernisation de l’industrie portuaire : Les ports doivent être l’interface du développement

Le gouvernement a examiné, mercredi dernier, un avant-projet de loi relative à la modernisation de l’industrie portuaire. Ce texte propose des modifications et des compléments à l’ordonnance n° 76-80 du 23 octobre 1976, régissant la loi maritime.L’objectif est de créer une autorité portuaire efficace, capable de réguler et de dynamiser les activités commerciales au sein des ports. Une stratégie de réforme qui s’inscrit dans une politique globale de modernisation des infrastructures portuaires et des services associés. Parler de stratégie nationale portuaire est un intitulé de feuille de route qui servira de prémices à des réflexions plus techniques d’experts dans le domaine, estime M. Tarik Abdallah Mehdi, consultant et spécialiste en droit des affaires et du management juridique. Il rappellera que lors du Conseil des ministres du 2 octobre 2022, le président de la République avait instruit le gouvernement à l’effet de définir des mécanismes efficaces de création d’une autorité portuaire à placer sous la tutelle de la collectivité locale du wali, pour mieux définir les responsabilités en vue d’assurer une meilleure gestion et des prestations de qualité. Dans la trajectoire de ces réformes, le Président a rappelé la nécessité de moderniser le système de gestion portuaire le long du littoral, dans l’objectif de renforcer les capacités d’accostage de différents types de navires. M. Tarik Mehdi explique que cette autorité se doit d’être “un composant critique du développement économique et un vrai stimulateur de croissance économique”. Il note que la réflexion sur la régulation de l’activité portuaire ne constitue pas un sujet récent car les textes juridiques relatifs à la création de cette institution et de ses attributions remontent à plusieurs années. “Nous demeurons toutefois convaincus que pour s’aligner avec les normes internationales en matière de gestion portuaire et donc pour redynamiser le commerce extérieur, l’approche institutionnelle devra être axée autour de l’accroissement de l’autonomie des ports et l’allègement de leurs règles de gestion”. S’agissant de la logique de gestion, le spécialiste en management souligne qu’entre les entreprises portuaires filiales du groupe Serport et d’autres entreprises publiques économiques (ERENAV, NAFTAL, CNAN), en ajoutant les services de sécurité, les douanes et la marine, “il est clair que l’interaction entre ces acteurs n’est pas toujours positive, pouvant parfois conduire à des blocages importants pour certains ports”. Ainsi, les discussions autour de la mise en place d’une autorité portuaire abordent également les prérogatives effectives de l’administration portuaire. Analysant le fonctionnement des structures de gestion, M. Tarik Mehdi estime que pour beaucoup de ports, “il s’agira de se mettre à l’abri contre toute forme de mésaventure judiciaire pouvant ressurgir, en reprenant parfois les modèles de gestion du groupe et mettant ainsi de côté, toute forme d’initiative susceptible d’être bénéfique pour le port, compte tenu de la spécificité et de la potentialité technique et commerciale propre à chaque port à travers le pays”. Par ailleurs, il note que pour la plupart des ports en Algérie le constat est le même, un personnel pléthorique, issu d’un cumul d’anciens régimes juridiques de travail, tel le cas des travailleurs journaliers régularisés, mais aussi de fortes pressions syndicales pour des revalorisations salariales ou des recrutements aléatoires. Parmi les autres obstacles que fait face le secteur, il identifie “un système d’information flemmardant” et précise “bien qu’un schéma directeur du système d’information des ports fût amorcé par les pouvoirs publics depuis plusieurs années, sa mise en œuvre n’est point réjouissante”.

Enjeux stratégiques de la gestion portuaire

En effet, poursuit-il “la plupart des ports en Algérie limitent la gestion informatisée de leurs données via des progiciels à l’image de «Big Gestion» ou d’autres solutions développées en interne. Pour le reste, la gestion papier demeure la règle générale, comme pour la gestion des achats et des contrats commerciaux”. La mise en place d’une autorité portuaire dans son inclinaison organisationnelle aura la lourde responsabilité de gérer toutes les activités portuaires avec les autres acteurs (gestion des voies de circulation, adaptation des infrastructures, affectation des personnels, contrôle douanier et sécuritaire, etc ). Et ce qui est assez révélateur, c’est que cette autorité qui aura la forme d’un Etablissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) sera sous la coupe du wali, il s’agira donc d’une gestion de service public. Pour le consultant “cette approche institutionnelle confirme que l’Etat ne souhaite pas se désengager de la gestion des ports maritimes, bien au contraire et en maintenant une influence au travers de la législation et de la règlementation, tels la police portuaire, fiscalité, et l’aménagement”. S’agissant de ce qu’il qualifie “d’enjeux stratégiques” de l’organisation du système portuaire et la performance des chaînes logistiques, M. Tarik Mehdi affirme être “convaincu que la mise en place d’une autorité portuaire ne sera pas une solution en soi, sans une prise de conscience sincère et étudiée des enjeux stratégiques imposées par notre époque nouvelles technologies, compétitivités des ports, exigences écologiques, mais aussi du contexte économique du pays ». S’appuyant sur l’analyse transversale effectuée sur les différents textes juridiques le spécialiste fait savoir que “sans réformes autour de la gouvernance des ports et sans limitation du rôle régalien attribué à cette autorité portuaire, nous risquons de nous retrouver avec les mêmes maux dont souffrent les entreprises publiques économiques, déficitaires et sous perfusion de l’Etat”. En outre, les pouvoirs publics dans une réflexion de mettre en place un nouveau modèle économique pour les ports, devront, selon M. Tarik Mehdi “autonomiser ceux-là en préservant uniquement le pouvoir de tutelle du ministère”.”L’autonomie financière des ports sera maintenue, le schéma de gouvernance aussi (direction générale et conseil d’administration), mais avec plus de latitude dans la gestion et donc d’initiative de la part des managers, si on souhaite voir les ports maritimes algériens jouer un rôle de premier plan en Afrique et dans le Bassin méditerranéen”.

T. K.

Source https://www.elmoudjahid.com/